Après plus de 12 années dans la mobilité, je vais essayer de poser un regard sur ce monde toujours en évolution tant au niveau réseau qu'au plus simple appareil comme un téléphone.
1999 - 2001 : La grande désillusion
Juste au moment de la sortie du film Matrix, dont on retient le magnifique téléphone Nokia, le 7110 sort dans la foulée et les médias nous abreuvent d'images et de services délirant sur l'Internet mobile. Le marché devient fou. On pourrait faire tout ou presque avec son mobile. Echec non pas du WAP. C'est un lancement technologique râté.
Il l'est d'autant plus que les services n'existent pas ou peu et ne répondent pas aux attente des consommateurs qui découvrent en fait la téléphonie mobile avec 2 opérateurs Itinéris et SFR.
Enfin, le réseau ne va pas plus vite que 9600 bps. On se retrouve à l'heure du Minitel sur le mobile.
2001 - 2003 : Le GPRS est la solution... ou presque
Le réseau de seconde génération améliore la qualité de transmission des données. Les mobiles sont plus nombreux. Les opérateurs ont crées de véritables portails regroupant leur services.
Les services sont plus ergonomiques avec une navigation adaptée aux écrans et aux usages. J'en sais quelque chose pour avoir participé à la création d'une charte pour un opérateur et via les tests des services, contribué à la voir appliquée.
2003 - 2007 : L'âge d'or pour la mobilité
Les premiers téléphones couleurs et disposant d'un meilleur browser apparaissent en 2003. Les principes de navigation ne changent pas énormément. Les créateurs de services ajoutent les éléments graphiques (images, chevrons colorés, animations...). Les services de téléchargement de sonneries, logos et plus tard de vidéo entrent en scène.
2005, est une année pleine de mutation. Les éditeurs de services veulent proposer en dehors des opérateurs leur propre portail. Par contre il faut monétiser cela. Le groupement Gallery créé par les 3 historiques (Bouygues, Orange et SFR) arrive à imposer une charte de navigation à minima, des tests strict du bon fonctionnement des services et du remboursement rapide des clients en cas d'échec des transaction.
La taille des mobiles change. Les écrans deviennent plus grand. La résolution standard est le 240x320.
Vient ensuite les sites en xHTML. Pas facile de disposer d'un moteur de rendu standard et de contrôler le code produit.
Part mon expérience, le WML était plus strict et demandait une rigueur d'écriture. Facile à déceler les bugs potentiels. Le xHTML étant plus permissif, cela était moins facile. Par contre il fallait gérer une feuille de style par terminal ou par famille de mobile. Pour le plus des opérateurs, un meta langage a été spécifiquement réalisé. Basé sur XML, ce méta langage gérait aussi les propriétés ergonomiques voulues par l'opérateur.
Il me restait à en contrôler le bon usage et donc le rendu final. Je crois bien avoir usé des éditeurs à leur faire corriger des fautes de débutant.
De 2005 à 2007, une autre bataille prend forme : la création d'applications. Elles sont concentrées sur 2 points : la télé et le sport. Orange est leader sur ce segment en présentant 2 applications embarquées ou téléchargeable. Leur intégration demande de grandes session de tests. Il faut offrir une qualité irréprochable et assurer un lancement rapide sur la gamme la plus large de mobile. L'équation est difficile à tenir. Toutefois les usages augmentent.
2007 - La révolution iPhone
J'ai énormément critiqué cette première mouture de la firme de Cuppertino. Par contre il permet à l'utilisateur de sortir du giron de l'opérateur en terme applicatif. C'est Apple qui mène la danse. Pourtant dès 2005, je préconisais de créer un portail regroupant : applications (Java à l'époque, sonnerie, logos et musique).
Avec une année de retard, Android arrive et doit rattraper le trou laissé par les iPhone. Par ailleurs, il a une connotation très geek. 2 mondes s'affrontent. Toutefois, c'est le marché applicatif et donc l'usage des réseaux mobiles qui va se trouver transformé.
En effet, le HSDPA arrive et offre enfin une capacité d'amener à l'utilisateur des données à grande vitesse. Voir des vidéos parait de plus en plus naturel sur un mobile dont les capacités de traitement augmentent.
ARPU - Le client paye cette course aux octets
Les opérateurs ne voulant pas manquer cette manne de revenu proposent des forfaits pour utiliser pleinement le réseau mobile. Mais à quel prix. On passe allègrement de 20 euros de forfait à 50 et plus pour posséder le meilleur de la technologie mobile. On dit que les marges sont grandes mais quels ont été les coûts initiaux pour arriver à cela ? Ils ont été humains et techniques.
Voir des matchs de Ligue 1 demande énormément de ressources : physiques pour filmer et commenter les matchs, matérielles pour acheminer le signal sur tous les canaux (TV et mobiles) des serveurs pour ré encoder à la volée au format mobile ces flux et des réseaux capables de transporter tout cela. On doit voir aussi les équipes entières qui sont derrière cela : les développeurs de l'application, les chefs de projet technique, marketing, les designer et les testeurs de cet ensemble sur une seule application dédiée au sport le plus populaire de France.
Donc l'ARPU, était une véritable religion car à elle seule elle vous permettait de faire augmenter les revenus des opérateurs de manière significative.
Pour offrir le meilleur, n'oublions pas également que tout cela permet aussi de subventionner les mobiles pour les clients.
Validation des applications
Ca peut paraitre étrange mais mon métier s'est transformé. Passer d'une validation d'un service mobile à celui d'une application est plus complexe. En effet, en plus des contraintes de l'opérateur, s'ajoute celles des store. Apple ayant les critères les plus stricts, il a fallu disposer d'une méthodologie applicable à toutes les plate forme (iOS, Android, WP7, RIM, Java) en peu de cycles de pré publication donc avant soumission aux stores, sur un nombre toujours croissant de mobile et dont les OS évoluent.
Gérer la fragmentation d'Android était un challenge qui commence à être maitrisé, par contre les contraintes Apple sont, selon moi, moins bien appréhendées par nombre de développeurs.
C'est un véritable métier que de faire cela. Endurance, méthodologie et maitrise des environnements est un challenge quotidien. Il faut laisser chez soi le mot gentillesse car les clients n'ont aucun scrupule à commenter négativement une application qui se ferme d'elle même. En repoussant les frontière de l'acceptabilité, on pousse les développeurs au perfectionnisme. A ce petit jeu, je conserve avec plaisir cette trivialité non dite avec une équipe basée à Toulouse (Monsieur V. et votre team, je vous salue !) Le reverse engineering sans voir le code source. Démonter et trouver où se cache la faille dans un log d'erreur. Lutter contre les pressions du time to market pour dire que ce n'est pas correct. Assurer une véritable qualité au service des utilisateurs.
Avenir de la mobilité
Si on nous parle de la génération de réseau 4G, ce sera pour alléger le réseau actuel qui est saturé. Du moins pas complètement si on fait un essai de vitesse, seul Orange apparait le plus rapide en HSDPA. Donc les autres n'ont pas encore ouvert toutes les vannes.
Cependant les coûts de déploiement de la 4G vont être lourds alors que le ticket d'entrée a déjà été élevé. Nous verrons donc une concentration ou une mutualisation des coûts pour bâtir les réseaux de demain. Il est même étonnant qu'aucun GIE n'aie pas été créé pour cela.
Free ayant cassé les codes au niveau des forfaits et donc amputé pour les autres des marges fortes, il faudra bien passer par ce mécanisme ou alors des fusion et des rapprochements sur l’infrastructure se feront. c'est une certitude.
Fin de la subvention du mobile. C'est ce qui nous attend. Le consommateur a appris qu'il pouvait n'avoir que la carte SIM et ne plus être lié au forfait (SIM+mobile) sur x mois. Cette liberté a un prix : celui du mobile nu. Quelle valeur un opérateur va-t-il véhiculer ainsi ? Est-ce son métier d'offrir des applications ?
Le NFC se fait attendre car madame Michu n'est pas encore prête à utiliser son mobile pour payer ses courses. Les services ne sont pas là tout simplement du fait d'une demande de sécurisation des transactions extrême.
Enfin, il sera temps de quitter le mobile pour voir l'Internet des objets réellement éclore. Le téléphone étant réduit à sa partie congrue, le support pour lire ses mails, échanger sur les réseaux sociaux... peut changer à l'instar des lunettes Google ou des tatouages de Nokia. Ce monde a été décrit par Peter F. Hamilton dans la saga de l'Etoile de Pandore. Nous y arrivons.
Restera enfin à déplacer le stockage des données et identifier spécifiquement chaque utilisateur du Réseau. L'identité numérique et son respect sera un sujet auquel il faudra apporter le plus grand soin. Qui détiendra ces données et seront-elles bonnes à utiliser ? Par nature, la cupidité humaine engendrera des conflits vers celui qui détiendra cette information primaire.
La captivité des clients n'est donc pas terminée et pour les 2 années à venir, rien de révolutionnaire n’émergera de la mobilité. Il restera à préparer le prochain cycle unifiant les réseaux vers le Réseau pour voir ce nouvel eldorado.
J'ai la chance de l'avoir vu naitre, croitre et le regarder évoluer. J'ai grandit professionnellement avec en rencontrant des gens passionnés. J'espère toujours le regarder avec autant de bonheur qu'à ce jour.
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